Renforcer la participation des femmes à la vie économique dans la région euro- méditerranéenne, tel était le thème de la conférence internationale qui a eu lieu les 19 et 21 mai à Barcelone. Ouverte par Mme Samira Merai Friia, Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance de la République tunisienne.

Au moins 250 experts ont participé à cette rencontre organisée par le secrétariat de l’Union pour la Méditer- ranée. Etaient présents aussi des représentants de gouver- nements et d’agences de fi- nancement, d’organisations internationales, de parlements, d’organisations de la société civile et du secteur privé de toute la région euro-méditerranéen. Malgré les progrès qui ont été ré- alisés dans l’ensemble des pays de cette région, la par- ticipation des femmes dans la vie économique connaît toujours des inégalités à trois niveaux : dans la partici- pation (un niveau d’activité plus bas que les hommes), dans la rémunération (avec des salaires inférieurs) et dans l’accès aux postes de décisions.

Yambola magazine s’est entretenu avec Mme Samira Labidi, présidente et fondatrice d’Entreprendre au Maghreb qui se veut une structure paritaire, multi- culturelle et engagée. Ses valeurs sont : diversité, la- ïcité, égalité, tolérance, indépendance… Originaire du Maghreb (Tunisie) et évoluant en France, elle joue le rôle d’interface dans le domaine du travail entre les deux rives de la Méditerranée.

« Le soutien aux femmes artisanes et rurales me tiens à coeur »

Yambola Magazine : Pouvez-vous nous expliquer comment êtes-vous arrivée à créer l’Association Entreprendre au Maghreb et pour quelles raisons ?

Samira Labidi : « L’association Entreprendre au Maghreb est née de la volonté d’élargir l’action d’Entreprendre en Tunisie qui était, d’ailleurs, initialement le nom de l’association lors de sa création en 2006. Notre philosophie a toujours été de faire la promotion d’un Maghreb uni et solidaire, un Maghreb source d’innovations capables de relever les grands défis de notre époque et d’agir comme un catalyseur de bon sens au-delà des frontières. C’est pour ces raisons que nous avons souhaité justement élargir la portée de notre message. En claire, notre association se veut une véritable passerelle au service du dével- oppement économique, social et culturel dans l’espace euro-méditerranéen; et c’est ensemble que nous se- rons plus fort. Plus forte sera notre action au profit des plus démunis, les populations fragiles qui attendent des réponses immédiates et urgentes. Plus fort sera notre impact, en terme de besoins sociaux et d’accès aux droits dans but de lutter contre la précarité qui frappe durement ces populations. »

YM: Vous êtes membre de la Diaspora, pourquoi avez-vous pris cette initiative ?

S. L.: « Notre double regard en tant qu’acteur de la Diaspora est fondamental à plus d’un titre, par la diversité culturelle et par également l’innovation. D’ailleurs, la société civile a impulsé une véritable dynamique devenue, aujourd’hui, incontournable et les exemples sont multiples que ce soit en Tunisie, au Maroc ou ailleurs. L’émergence de cette force doit jouer un rôle moteur dans l’espace méditerranéen

par la création des passerelles et des liens entre les peuples. Un de nos premiers projets a été la création d’une Mutuelle de Protection Sociale. Nous portons notre projet de création de réseau Maisons de Retraite Médicalisées Solidaires en vue d’accueillir des retrai- tés issus des pays de la Méditerranée. Des telles struc- tures présentent en effet des avantages multiples pour les pays concernés :relance de l’activité et soutien à la croissance en Tunisie et au Maghreb, l’allégement des comptes des caisses de la sécurité sociale en France et en Europe, sans oublier les avantages fiscaux qu’offrent la Tunisie et l’environnement privilégié du Maghreb en général. Je signale qu’une convention de partenariat pour la mise en place de ce projet a été signée avec le gouvernement tunisien, le 23 octobre 2014. »

Y. M.: Que faites-vous spécifiquement pour les femmes ?

S. L.: « En parallèle à ce qui rprécède, nous menons d’autres projets. Notamment celui du soutien aux femmes artisanes et rurales qui me tient vraiment à cœur. Ce projet est né d’un constat paradoxal concer- nant d’une part la grande précarité des femmes rurales et d’autre part la grande richesse artisanale dont rego- rgent nos pays du Maghreb et en particulier la Tunisie. Le Maghreb est une terre de grandes ressources na- turelles et de grands talents. On connaît la réussite de l’huile d’argan ou du safran, mais il y a aussi la laine, le tissage, la broderie, les teintures, les olives, la pote- rie, l’extraction d’essences naturelles, etc. C’est dans ce contexte qu’Entreprendre au Maghreb a rencontré plusieurs groupes de femmes artisanes dans plusieurs régions de la Tunisie : la région du Kef, Sejnane, Taje- rouine, Gabès, Métouia, Bénizalten, Matmata, Tamez- ret, il s’agit pour nous, à travers cette initiative, de travailler sur l’amélioration de leurs conditions de travail, l’amélioration de la qualité et l’accompagnement de la commercialisation. Ces actions ont reçu le soutien des gouvernements tunisien, marocain et français par la voix de délégation interministérielle à la Méditerranée et le soutien de Madame Nathalie Pilhes, adjointe à la DiMed, de la Commission Européenne à travers son Vice-Président M. Antonio Tajani, actuellement vice- président du Parlement européen et de l’Union pour la Méditerranée par la voix de son secrétaire général, M. Fathallah Sijilmassi et de Madame Delphine Borione, secrétaire générale adjointe. Nous sommes aussi en partenariat avec le Patronat l’UTICA, la Fédération des artisans, L’UTAP et plusieurs associations locales. »

Y.M.: Quel est la situation de la protection sociale dans les pays du Maghreb

S.L.: «Dois-je rappeler que selon les normes interna- tionales du travail, la protection sociale est un droit fondamental au même titre que l’accès à l’éducation.

Nous savons qu’au plan mondial, 20% de la population bénéficie d’une couverture sociale correcte et 50% ne l’a pas. Depuis 2009, les Nations Unies ont décidé qu’un socle de protection sociale constitue la condition d’un accès aux droits et servic- es fondamentaux comme l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’alimentation et au logement. L’Organisation Inter- nationale du Travail (OIT) a fait de la protection sociale l’un des piliers de la notion du travail décent. On peut dire qu’en Tunisie 3 millions de personnes sont dépourvues de couverture sociale, au Maroc 8 millions, en Grèce plus d’un quart de la population grecque n’a plus de couverture sociale… »

Y.M.: Quel message voudriez-vous lancer ?

S.L.: « Entreprendre au Maghreb s’est situé et se situe résolument dans cette dynamique en se donnant deux objectifs fondamentaux: viser les personnes les plus démunies en privilégiant une ap- proche de mutualisation et de solidarité, compléter l’action des pouvoirs publics en proposant d’œuvrer dans un cadre partenariat public/privé et en mobilisant des ressources financières complémen- taires. Quant à la Mutuelle de Protection

Sociale, nous y travaillons de pied ferme en fédérant toutes les ardeurs et toutes les bonnes volontés. Et peut- être qu’un jour nous pourrons élargir non seulement à l’échelle maghrébine mais également méditerranée- nne. »