Entretien conduit Par Amel Belhadj Ali
- L’association «Entreprendre au Maghreb» est l’expression d’une volonté d’élargir l’initiative «d’Entreprendre en Tunisie» initialement le nom de l’association lors de sa création en 2006. La philosophie des fondateurs et particulièrement celle de la fondatrice, en l’occurrence Samira Labidi, experte en assurances et en réassurance sur les places de Paris et de Tunis et d’unir tous les efforts des opérateurs socioéconomiques dans un contexte géopolitique perturbé et assez déstabilisant pour nos régions pour la promotion d’un Maghreb uni et solidaire et plus que jamais nécessaire. C’est ce qu’elle n’a pas cessé de défendre lors de son intervention à Barcelone à l’occasion de la conférence de haut niveau «Promouvoir la participation des femmes à la vie économique» tenue à Barcelone le 19 au 21 mai 2015.C’est «un Maghreb source d’innovation capable de relever les grands défis de notre époque et d’agir comme un catalyseur au-delà des frontières, que nous voulons», assure Madame Labidi.Entretien.
- WMC : De la Tunisie au Maghreb, votre association Entreprendre est l’une des plus actives sur terrain, quelles sont vos attentes et vos ambitions?Samira Labidi : Notre association se veut une véritable passerelle au service du développement économique, social et culturel dans l’espace euro-méditerranéen, et c’est ensemble que nous serons plus forts; plus forte sera notre action au profit des plus démunis, les populations fragiles qui attendent des réponses immédiates et urgentes; plus fort sera notre impact, en termes de besoins sociaux et d’accès aux droits dans le but de lutter contre la précarité qui frappe durement ces populations.Notre double regard en tant qu’acteur de la diaspora est fondamental à plus d’un titre, par la diversité culturelle et par également l’innovation. D’ailleurs, la société civile a impulsé une véritable dynamique devenue, aujourd’hui, incontournable et les exemples sont multiples que ce soit en Tunisie, au Maroc ou ailleurs. L’émergence de cette force doit jouer un rôle moteur dans l’espace méditerranéen par la création des passerelles et des liens entre les peuples.Quels sont les projets les plus importants sur lesquels vous avez travaillé?Un de nos premiers projets a été la création d’une Mutuelle de Protection Sociale, car dans nos pays quelle stratégie a été mise en place pour protéger les plus démunis? Comment assurer un financement durable de l’accès aux soins et quel rôle peuvent jouer les acteurs dans le secteur privé à ce niveau?Nous plaidons pour la création de Maisons de retraite médicalisées solidaires en vue d’accueillir des retraités issus des pays de la Méditerranée. De telles structures présentent des avantages multiples pour les pays concernés:
– relance de l’activité et soutien à la croissance en Tunisie et au Maghreb;
– allègement des comptes des Caisses de la sécurité sociale en France et en Europe sans oublier les avantages fiscaux qu’offre un pays comme la Tunisie et l’environnement adéquat au Maghreb en général.
Une convention de partenariat pour la mise en place de ce projet a été signée avec le gouvernement tunisien le 23 octobre 2014 et un premier avenant le 30 janvier 2015. Dans cette continuité, ce dossier est suivi par Madame Samira Maraï Friaa, actuelle ministre des Femmes, de la Famille et de l’Enfance.http://www.webmanagercenter.loc/management/journaliste/fckeditor/editor/images/spacer.gif
En parallèle, nous menons d’autres projets, et notamment celui du soutien aux femmes artisanes et rurales qui me tient particulièrement à cœur. Ce projet est né d’un constat relevant la précarité dans laquelle vivent les femmes rurales et paradoxalement la grande richesse artisanale dont regorgent nos pays du Maghreb et particulièrement la Tunisie, ce qui devrait permettre à ces femmes de s’affranchir économiquement.
Le Maghreb est une terre de grandes ressources naturelles et de grands talents. On connaît la réussite de l’huile d’Argan ou du Safran, mais il y a aussi la laine, le tissage, la broderie, les teintures, les olives, la poterie, l’extraction d’essences naturelles, etc.
Avez-vous eu des contacts avec des artisanes travaillant dans le cadre du commerce solidaire?
C’est dans ce contexte qu’Entreprendre au Maghreb a rencontré plusieurs groupes de femmes artisanes dans plusieurs régions de la Tunisie: la région du Kef, Sejnane, Tajerouine, Gabès, Métouia, Bénizalten, Matmata, Tamezret. Il s’agit pour nous, à travers cette initiative, de travailler sur l’amélioration de leurs conditions de travail, l’amélioration de la qualité et l’accompagnement de la commercialisation.
Ces actions ont reçu le soutien des gouvernements tunisien, marocain et français par la voix de la Délégation interministérielle à la Méditerranée et le soutien de Madame Nathalie PILHES, adjointe à la DiMed, de la Commission européenne à travers son vice-président Monsieur Antonio Tajani, actuellement vice-président du Parlement européen, et de l’Union pour la Méditerranée (UPM) par la voix de son secrétaire général, Monsieur Fathallah Sijilmassi, et de Madame Delphine Borione, secrétaire générale adjointe.
Nous sommes aussi en partenariat avec l’UTICA, la Fédération des artisans, l’UTAP et plusieurs associations locales.
Qu’en est-il également du projet initial de votre association: celui de la protection sociale et de l’accès à la santé?
D’après les normes internationales du travail, la protection sociale est un droit fondamental au même titre que l’accès à l’éducation. Nous savons qu’au plan mondial, 20% de la population bénéficient d’une couverture sociale correcte et 50% ne l’ont pas. Depuis 2009, les Nations unies ont décidé qu’un «socle de protection sociale» constitue la condition d’un accès aux droits et services fondamentaux comme l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’alimentation et au logement.
L’Organisation internationale du travail a fait de la protection sociale l’un des piliers de la notion du travail décent.
Rappelons qu’en Tunisie 3 millions de personne sont dépourvues de couverture sociale, au Maroc 8 millions, en Grèce plus d’un quart de la population grec n’a plus de couverture sociale …
Que peut faire entreprendre au Maghreb pour y parer ?
Entreprendre au Maghreb s’est situé et se situe résolument dans cette dynamique en se donnant deux objectifs fondamentaux:
– viser les personnes les plus démunies en privilégiant une approche de mutualisation et de solidarité;
– compléter l’action des pouvoirs publics en proposant d’œuvrer dans un cadre de partenariat public/privé et en mobilisant des ressources financières complémentaires.
Cette Mutuelle de Protection Sociale, nous y travaillons sérieusement en fédérant toutes les bonnes volontés. Peut-être qu’un jour nous pourrions l’élargir non seulement à l’échelle maghrébine mais également méditerranéenne. .